Fiscalité et comptabilitéavril 22, 2019

Le tribunal administratif du travail confirme la suspension sans traitement

Résumé : Le Tribunal administratif du travail a confirmé la destitution du directeur général de la Municipalité d’Ivry-sur-le-Lac ainsi que la suspension sans traitement qui lui a été imposée par la Municipalité au préalable. Les deux principaux motifs de destitution étaient l’absence de collaboration du plaignant aux examens médicaux auxquels l’employeur lui a demandé de se soumettre à la suite d’un arrêt de travail prolongé pour cause de maladie ainsi qu’une attitude d’insubordination et de non-confiance envers le conseil municipal. Dans la décision Dufresneet Municipalité d’Ivry-sur-le-Lac(1), le plaignant,qui occupait le poste de directeur général de la Municipalité, a déposé une plainte en vertu des articles 267.0.2 et suivants du Code municipal du Québec (2)dans laquelle il contestait la suspension sans traitement imposée par la Municipalité ainsi que sa destitution. Les deux principaux motifs de destitution étaient l’absence de collaboration du plaignant aux examens médicaux auxquels l’employeur lui a demandé de se soumettre à la suite d’un arrêt de travail prolongé pour cause de maladie, ainsi qu’une attitude d’insubordination et de non-confiance envers le conseil municipal. On lui reprochait plus particulièrement un comportement favorisant l’ingérence politique et nuisant au travail d’équipe de même qu’à la bonne gouvernance de la Municipalité. Le plaignant réclamait la réintégration, des dommages moraux et punitifs et le remboursement de ses honoraires d’avocat.


Faits

Au moment de la destitution, le plaignant occupait le poste de directeur général depuis environ neuf ans. À compter de 2015, celui-ci s’est absenté pour cause de maladie suite à une séance publique du conseil municipal lors de laquelle un citoyen avait apporté une lettre dénonçant ses actions à titre de directeur général et faisant valoir qu’il s’agissait de harcèlement à son endroit. Ce citoyen était son voisin immédiat et leurs relations étaient tendues depuis plusieurs années. Suite à cet événement, le plaignant a changé de domicile et s’est installé à l’extérieur de la Municipalité. Après un arrêt de travail d’environ six mois, il est revenu au travail. Environ une semaine suivant son retour au travail, le même citoyen a de nouveau assisté à une séance du conseil municipal lors de laquelle il a dénoncé les actions du plaignant à son endroit, en lien avec l’application de la réglementation municipale. Le plaignant a très mal pris ces reproches et a estimé que le conseil ne lui avait pas offert le soutien requis. Par la suite, il a consulté son médecin et est retourné en arrêt de travail de façon prolongée pour les mêmes raisons que la première fois. Environ trois mois plus tard, son médecin traitant a déclaré que le plaignant était apte à revenir au travail, mais qu’il ne pouvait retourner à la Municipalité en raison d’un climat de harcèlement et d’intimidation au travail. Le plaignant a par la suite nuancé cette recommandation de son médecin traitant en exigeant quatre mesures d’accommodement pour pouvoir effectuer un retour au travail :

  1. Que la Municipalité (par résolution) rétablisse sa réputation et la confiance qu’elle lui porte eu égard aux incidents dénoncés en mars 2016;
  2. Que des actions soient prises afin que ce genre de situation de harcèlement ne se reproduise pas dans le futur;
  3. Que des mesures soient prises afin que l’ingérence des conseillers dans la gestion quotidienne cesse, et ce, afin que l’atmosphère de travail redevienne plus saine;
  4. Que les rôles des membres du conseil municipal et ceux de l’administration soient clarifiés.
La Municipalité a répondu à cette lettre en indiquant qu’elle était favorable à la quatrième mesure visant à ce que les rôles des membres du conseil municipal et ceux de l’administration soient clarifiés, mais qu’elle ne pouvait accéder aux trois premières mesures d’accommodement demandées. Quelques mois se sont écoulés sans qu’il n’y ait de développements dans le dossier, jusqu’à ce que le maire transmette au plaignant un avis préalable de 30 jours relativement à la possibilité d’une destitution, comme le prévoyait son contrat de travail. On y mentionnait que l’absence prolongée du plaignant depuis près de deux ans causait un tort irréparable à la Municipalité et on le convoquait à une rencontre avec tous les membres du conseil municipal. Il y était précisé qu’à défaut de se présenter, le conseil municipal devrait prendre sa décision à la lumière des faits dont il disposait. Cette rencontre n’aura toutefois jamais lieu. En effet, le plaignant a répondu par écrit au maire en annonçant son retour au travail imminent, sur la base de l’autorisation de son médecin traitant. Sur réception de cette lettre, la Municipalité a convoqué le plaignant à une première expertise médicale afin de s’assurer que celui-ci était pleinement apte à reprendre ses fonctions. Toutefois, sans explications, le plaignant ne s’est pas présenté au rendez-vous. La même situation s’est reproduite une deuxième fois par la suite. Ce n’est que lors de l’audience que des tentatives d’explications ont été données par le plaignant pour justifier son absence aux expertises. Quelques jours plus tard, le plaignant s’est présenté à l’Hôtel de ville en présentant au maire son billet médical attestant de son aptitude à reprendre le travail. S’en sont suivies des discussions entre le plaignant et le maire lors desquelles ils ont négocié un projet d’entente visant à régler la fin d’emploi à l’amiable. Cette tentative a toutefois échoué en raison du désaccord des autres conseillers municipaux. Par la suite, le conseil a adopté une résolution approuvant une suspension sans traitement du plaignant tant que le conseil n’aurait pas pris connaissance du rapport d’expertise médicale. Le médecin expert a toutefois refusé de procéder à l’expertise pour des raisons légales. La Municipalité a donc convoqué à nouveau le plaignant à une expertise, à laquelle le plaignant s’est présenté, mais en insistant auprès du médecin spécialiste pour que le rapport soit transmis uniquement au maire suppléant de la Municipalité, à l’exclusion de tous les autres conseillers municipaux. Comme le médecin expert n’a pu consentir à cette demande, l’examen n’a pas eu lieu. C’est à la suite de cet événement que la Municipalité a procédé à la destitution.


Décision

Le Tribunal administratif du travail (« TAT ») a mentionné que la Municipalité était en droit de s’assurer que le plaignant était véritablement en mesure de reprendre ses fonctions de directeur général, et ce, en raison des facteurs de fragilisation connus à l’origine de ses arrêts de travail. En effet, à titre de directeur général et de premier fonctionnaire de la Municipalité, celui-ci était susceptible d’être confronté à des citoyens démontrant un certain niveau d’agressivité et d’insatisfaction et, par conséquent, la Municipalité ne pouvait lui garantir qu’il ne serait pas exposé à nouveau à des tensions internes dans le cadre de ses fonctions. Par ailleurs, la Municipalité a satisfait au fardeau de démontrer que la suspension sans traitement ainsi que la destitution qui s’en est suivie constituaient des décisions sages, sérieuses et méritoires. En effet, le comportement du plaignant eu égard à son éventuel retour au travail a été caractérisé par une absence de collaboration et un désaveu de l’autorité du conseil municipal. Alors qu’il devait collaborer avec celui-ci, il s’est comporté comme un véritable adversaire. Dans ces circonstances, la Municipalité n’avait d’autre choix, selon le TAT, que de procéder comme elle l’a fait. Par ailleurs, le juge administratif a souligné que le plaignant ne pouvait exiger que seul le maire suppléant ait accès au rapport d’expertise. En effet, il était légitime, dans le contexte, que tous les élus aient accès à ce rapport afin de prendre une décision éclairée quant aux suites à donner à ce dossier. Par conséquent, le TAT a conclu que les faits ayant conduit à la destitution étaient suffisants pour démontrer que le lien de confiance nécessaire entre le conseil municipal et son plus haut fonctionnaire avait été rompu.


Commentaires

Cette décision illustre l’importance de l’obligation de loyauté qui est primordiale en raison de la nature des fonctions du premier fonctionnaire d’une municipalité. En effet, tout au long du dossier, le plaignant s’est comporté comme un véritable opposant au conseil municipal alors que ses fonctions requièrent une collaboration constante avec celui-ci. Ce comportement est incompatible avec les exigences que requiert la fonction de directeur général. Il s’agit également d’un précédent utile pour appuyer une suspension sans traitement dans le contexte où l’employé, dont on a des motifs de douter de l’aptitude au travail, refuse de se soumettre à une expertise médicale.

  1. 2019 QCTAT 222.
  2. RLRQ, c. C-27.1.
Wolters Kluwer Canada
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